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La rente des victimes d’accident du travail n’indemnise plus le déficit fonctionnel permanent.

Par deux décisions en date du 20 janvier 2023 (A_ssemblée plénière 20-1-2023 n° 21-23.947,_ A_ssemblée plénière 20-1-2023 n° 20-23.673)_ promises à la plus large publication et diffusion, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et met fin aux divergences des juges du fonds en jugeant désormais que « la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ».

Pour mémoire, au terme de l’article L 434-2 du Code de la sécurité sociale, les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle atteintes d’une incapacité permanente égale ou supérieure à 10 % bénéficient d’une rente d’incapacité permanente.

Par ailleurs, lorsque l’accident (de travail ou de trajet) ou la maladie professionnelle est due à une faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droits peuvent demander devant les juridictions de sécurité social, la réparation des préjudices non couverts par le Livre IV du Code de la sécurité Sociale (souffrances physiques endurées, préjudices esthétiques et d’agrément, perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle).

Depuis 2009, la Cour de cassation jugeait que la rente d’incapacité permanente indemnisait :

- les préjudices professionnels, c’est-à-dire les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité,

- et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent.

Elle n’admettait ainsi que la victime percevant une rente d’incapacité permanente puisse obtenir une réparation distincte des souffrances physique et morale qu’à la condition qu’elle apporte la preuve que celles-ci n’avaient pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent (Cass Civ. 2ème 28 février 2013 n° 11-25-015).

Elle revient donc sur cette jurisprudence et considère donc désormais que la rente d’accident de travail n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent (opérant de ce fait un rapprochement avec la Jurisprudence du Conseil d’Etat).

Les victimes ou leurs ayants-droits pourront donc désormais une réparation complémentaire distincte de la rente pour les souffrances physiques et morales endurées après la consolidation. Sans avoir à prouver que la rente d’accident du travail ne couvre pas déjà ces souffrances.

Quelles conséquences pratiques ?

Outre l’amélioration évidente de l’indemnisation des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle subis à la suite d’une faute inexcusable de leur employeur, ce revirement de jurisprudence :

- Risque d’augmenter le coût des conséquences de la faute inexcusable de l’employeur pour les entreprises,

- Doit d’autant plus conduire les entreprises à s’assurer contre le risque lié aux conséquences d’une faute inexcusable,

- Impose aux entreprises de se rapprocher de leur assureur afin de vérifier que ce nouveau poste de préjudice sera bien couvert par leur police d’assurance pour ceux qui en possède déjà,

- Ne permettra plus d’imputer le déficit fonctionnel permanent sur la rente d’accident du travail dans le cadre des recours contre les tiers.