Actualité COGEP Avocats

BAIL DEROGATOIRE AU STATUT DU BAIL COMMERCIAL

La troisième chambre civile de la cour de Cassation dans un arrêt rendu le 26 mars 2020 ainsi que la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 1er décembre 2021 font ressortir que les modalités de la durée des conventions dérogatoires au statut du bail commercial ne sont pas toujours maîtrisées par les contractants (locataire et bailleur), surtout en ce qui concerne la distinction entre bail de courte durée et convention précaire d’occupation.

La création d’un nouveau bail commercial : la particularité du bail dérogatoire

(CF : Cass. 3e civ., 26 mars 2020, n°18-16.113, Sté CSM c/ Sté ENOGIA)

Le bail de courte durée permet aux parties qui remplissent les conditions de conclure un contrat échappant au statut des baux commerciaux et sont qualifiés de baux dérogatoires. Ce bail est d’une durée maximum de 3 ans.

La difficulté soulevée par la cour de Cassation c’est le principe de la mutation d’un bail dérogatoire en bail commercial. Depuis la loi du 4 août 2008 est autorisée la succession de baux dérogatoires à condition que la durée totale ne dépasse pas 3 ans sans quoi il pourra être requalifié en bail commercial (Article L145-5 du code du commerce) .
Avec la loi du 18 juin 2014, le législateur impose que le preneur reste en possession pendant au moins 1 mois après l’échéance du bail dérogatoire pour qu’il y est mutation en bail commercial.
La cour de Cassation a donc décidé dans son arrêt du 26 mars 2020 que quel que soit la durée du bail dérogatoire et du maintien dans les lieux, si le preneur demeure dans les lieux et est laissé en possession de ces derniers au-delà du terme prévu par le bail, alors il s’opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.

Conclusion

Un bail commercial peut donc se former avant l’expiration de la durée maximale de 3 ans, même si le terme contractuel du bail dérogatoire est antérieur.

Les bailleurs doivent avoir une attention toute particulière lorsqu’il s’agit de bail dérogatoire. En effet, si ce dernier a fixé un terme contractuel antérieur à la durée maximale de 3 ans, il devra surveiller que son preneur ait bien quitté les lieux à la date du terme au risque de se voir imposer une mutation pour le statut d’un bail commercial.

Le délai d’un mois de possession n’est applicable que lorsque le bail dérogatoire a une durée correspondant à la durée maximale.

La convention d’occupation précaires : seulement pour des circonstances particulières

(CF : CA Paris, pôle 5, ch. 3, 1er décembre 2021, n°20/04742)

La convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières et indépendantes de la volonté des parties (Article L. 145-5-1 du Code de commerce).

Même si cela peut paraître tentant de frauder l’application du statut des baux commerciaux en concluant une convention d’occupation précaire, les juges n'hésitent pas à requalifier de manière exacte la convention litigieuse.

Dans l’arrêt référence la cour ne peut justifier le recours à une convention précaire, puisque la conclusion et l’exécution d’un bail commercial pouvait être établie en absence d’une cause objective de précarité de l’occupation des lieux. En l’espèce, le départ en retraite du gérant de la société locataire, ne constitue pas une cause de précarité justifiant de recourir à une convention d’occupation précaire. En effet, cet événement n’est pas indépendant de la volonté des parties.

Conclusion

Il est donc conseillé aux parties à la convention d’occupation précaire de bien analyser la ou les causes de précarités justifiant cet acte. Les parties à cette convention doivent bien faire attention à ce que les circonstances liées à l’occupation des lieux ne dépendent pas de leur volonté.